« Détours d’Europe. Les deux amours de Vianden. »

Victor Hugo avait succombé au charme de cette bourgade médiévale lovée dans la verdure ardennaise, au nord du Luxembourg. Et lui avait prédit un bel avenir touristique

Les ruelles étroites de Vianden la médiévale dévalent les coteaux dominés par le château restauré avec goût. Le quartier plus récent s'étire sur la rive gauche de l'Our. Juste à l'entrée du pont, à droite, une haute toiture qui abrite deux étages et une terrasse couverte côté rivière. La plus haute masure de la «ville nouvelle» devenu la Maison de Victor Hugo. Tombé sous le charme de Vianden lors de trois passages au début des années 1860, il y a loué une chambre pendant l'été 1871. Depuis sa fenêtre, il caressait du regard les ruines magnifiées du château, témoignage sacralisé de l'Histoire. «Il était contre toute idée de restauration, ce château représentait pour lui le symbole de la féodalité honnie» explique Gaby Frantzen-Heger, administratrice déléguée des Amis du Château, et bourgmestre de Vianden depuis deux ans. «Le Moyen Age était une période noire pour Victor Hugo, qui n'aimait le passé qu'à travers les ruines», confirme Frank Wilhelm, professeur de littérature française à l'université du Luxembourg, et vice-président des Amis de la Maison de Victor Hugo de Vianden. Mais, «s'il vivait aujourd'hui, il n'irait sûrement pas visiter le château, c'est Hollywood».

200.000 visiteurs

«Victor Hugo avait prédit au château un grand avenir touristique, c'était bien vu» croit savoir au contraire un des guides du château. Histoire de mettre tout le monde d'accord. Les milliers de touristes qui se pressent annuellement à Vianden n'ont cure des querelles de chapelles. 200.000 visiteurs au château, «le monument le plus visité du Grand-Duché» se félicite l'administratrice déléguée des Amis, «l'essentiel des revenus de la cité, bien pourvue en restaurants et hôtels, est tiré du tourisme». Cette native de Vianden, fonctionnaire européen, s'investit dans la restauration du château «bénévolement depuis 23 ans». Elle mesure avec satisfaction le chemin parcouru, pour redonner ses lettres de noblesses à un patrimoine aux nombreuses vies successives. «Fort romain au IVe, devenu refuge carolingien. La première famille aristocratique s'installe en 1090. Au XIIIe, le comté de Vianden est le plus puissant du Grand-Duché. Le château connaîtra encore des belles heures aux XVIe et XVIIe». Mais au début du XIXe, le roi de Hollande et comte de Vianden vend le château. Le Viandenois qui se porte acquéreur, le dépèce pour en tirer le meilleur profit.

Sur l'autre rive

Le château reviendra à la fin du XIX à la famille grand-ducale, qui en fera don à l'Etat en… 1977. 22 M€ ont déjà été engagés dans la restauration, dont 10 grâce aux Amis du château, souligne Gaby Frantzen-Heger. Une heure et demie est nécessaire pour admirer le joyau romano-gothique entouré d'une enceinte fortifiée, les salles meublées XVIe et XVIIe (une armoire a été rachetée à un antiquaire dijonnais), la chapelle à trois niveaux (sous-sol pour les manants, le premier pour nobles et officiants, deux loges supérieures pour le comte et sa famille), la galerie byzantine.

Sur l'autre rive de la culture, le «musée littéraire» Victor Hugo, comme aime à l'appeler Frank Wilhelm, est «accessible au grand public cultivé». Désireux aussi de prendre son temps pour bénéficier d'un supplément d'âme francophile, richement documenté, pédagogique sans être ennuyeux, rendu attractif pour les plus jeunes grâce aux bornes informatiques.

A l'instar du château, le temple de la connaissance hugolienne a subi un sérieux lifting depuis sa création en 1935, pour le cinquantenaire de la mort de l'écrivain, par une passionnée, Anne Beffort, première femme professeur au Luxembourg. «La place des Vosges à Paris et Vianden possèdent les seules 'Maisons de Victor Hugo', avec Hauteville House bien sûr», s'enorgueillit Frank Wilhelm.

Le buste de Hugo par Rodin, fixé en 35 sur le pont, juste en face de la Maison, est caché par les habitants pendant la guerre. La maison, endommagée lorsque les Allemands font exploser le pont avant de quitter les lieux, est une des toutes premières reconstruites. Des signes qui ne trompent pas, glisse le professeur Wilhelm. Clin d'oeîl malicieux à ceux qui douteraient de l'intérêt de Vianden pour son illustre résident.

Le musée dédié à celui qui rêva des «Etats-Unis d'Europe», fut rouvert en 1948 lors d'une cérémonie qui associa Robert Schuman. Mais il fallut attendre le centenaire de la présence de Hugo à Vianden, en 1971, pour donner le départ d'un second souffle sous l'impulsion du professeur Bourg. S'engage une longue quête scientifique, puis en 1998 la fermeture provisoire du musée, qui partageait son maigre espace avec le syndicat d'initiative. L'heure de la résurrection sonne en 2002. Vianden l'hugolienne inaugure la Maison en grandes pompes qui fait la part belle aux liens entre Victor Hugo et le Grand-Duché.

De mèche

Grâce au financement du ministère de la Culture, l'association peut rémunérer une permanente. Le musée reçoit «entre 2.000 et 3.000 visiteurs par an» estime Frank Wilhelm. Dont des Anglais, Chinois, des Australiens, des Japonais, comme l'atteste le livre d'or.

Ils se souviendront peut-être d'un buste Rodin en réduction réalisé par des étudiants des Beaux-Arts de Besançon, exposé dans une vitrine à l'entrée du musée. Mais ils n'auront pas vu deux échantillons de tapisserie de la chambre natale bisontine de Victor Hugo: ils sont précieusement conservés dans un coffre de la banque voisine. Une mèche de cheveux de Victor Hugo coupée par Juliette Drouet, à Vianden bien sûr, trône en revanche en bonne place dans une vitrine. Ou la petite histoire de grandes amours … littéraires.(1)

Notes de bas de page

  1. Quelques incorrections matérielles de l'article de journal ont été redressées.
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